André Dussollier a lu ce très beau texte en hommage à Alain Resnais, lundi 10 mars, au cimetière Montparnasse. Il nous a autorisés à le publier sur le site de la Cinémathèque française.
Nous le remercions très sincèrement.
Nous le remercions très sincèrement.
Cher Alain
par André Dussollier
Combien de fois ces deux mots nous les avons prononcés pour vous dire le bonheur de vous rencontrer ou de vous retrouver.
Combien de fois ces deux mots résonnaient juste après vous avoir quitté.
Combien de fois résonneront-ils en songeant au bonheur de vous avoir connu.
Combien de fois ces deux mots résonnaient juste après vous avoir quitté.
Combien de fois résonneront-ils en songeant au bonheur de vous avoir connu.
Vous voir, c’était l’assurance d’apprendre et d’échanger avec sérieux et légèreté.
D’abord votre sourire comme une invitation sans réserve.
Votre façon d’ouvrir votre porte, en grand.
Votre façon d’être là, droit, face à nous le regard engagé, jamais distrait.
Rien ne pouvait dépasser l’importance du moment que nous allions partager.
Qu’il soit consacré au travail ou au plaisir de se voir.
Quel que soit l’enjeu, vous mettiez en scène le travail ou la vie.
D’abord votre sourire comme une invitation sans réserve.
Votre façon d’ouvrir votre porte, en grand.
Votre façon d’être là, droit, face à nous le regard engagé, jamais distrait.
Rien ne pouvait dépasser l’importance du moment que nous allions partager.
Qu’il soit consacré au travail ou au plaisir de se voir.
Quel que soit l’enjeu, vous mettiez en scène le travail ou la vie.
Vous pensiez les rencontres, prépariez les rendez-vous comme des moments d’une importance extrême.
Les références fusaient, les allusions, la pensée qui improvise s’invitaient dans un ballet que vous vous amusiez à diriger.
Les digressions prenaient souvent le pas sur le travail.
Vous parliez médecine, pharmacie, vous pouviez vanter les mérites du radis noir, vous pencher sur les facéties de la biologie animale, improviser sur Ulysse et Pénélope, évoquer les mains enveloppantes de Fritz Lang et Sacha Guitry, imiter Groucho Marx en traversant à toute allure votre salon à grandes enjambées, les genoux pliés.
Tout était prétexte à jouer et vous y mettiez tout votre art.
Les références fusaient, les allusions, la pensée qui improvise s’invitaient dans un ballet que vous vous amusiez à diriger.
Les digressions prenaient souvent le pas sur le travail.
Vous parliez médecine, pharmacie, vous pouviez vanter les mérites du radis noir, vous pencher sur les facéties de la biologie animale, improviser sur Ulysse et Pénélope, évoquer les mains enveloppantes de Fritz Lang et Sacha Guitry, imiter Groucho Marx en traversant à toute allure votre salon à grandes enjambées, les genoux pliés.
Tout était prétexte à jouer et vous y mettiez tout votre art.
Chez vous, des affiches, des déclarations, des photos, des commentaires, des films, des livres, des séries, des musiques, des bandes dessinées, des figurines, des décors, un véritable musée, un atelier d’enfant, toute une vie de cinéma.
Rien ne pouvait se dire ou se faire sans le plaisir d’inventer.
Rien ne pouvait se dire ou se faire sans le plaisir d’inventer.
Du 1er au dernier jour d’un tournage, vous sollicitiez en chacun de vos collaborateurs, le créateur auquel vous donniez votre temps, votre attention et toute votre considération.
Quand on se rencontrait pour parler du personnage que vous nous aviez proposé, vous aviez déjà imaginé la vie de ses grands-parents et parents, nous passant délicatement le relais pour que l’on imagine sa vie présente.
On avançait doucement en tête à tête, dans l’obscurité des répliques auxquelles on touchait à peine pour ne pas les colorer trop vite.
On en cherchait le sens visible et caché.
On les visitait avec prudence, mais sans concession pour bien cerner cet inconnu, qu’après cet échange, on rêvait de vous offrir.
Venait le moment d’exister.
Tout se passait en douceur.
Quand on se rencontrait pour parler du personnage que vous nous aviez proposé, vous aviez déjà imaginé la vie de ses grands-parents et parents, nous passant délicatement le relais pour que l’on imagine sa vie présente.
On avançait doucement en tête à tête, dans l’obscurité des répliques auxquelles on touchait à peine pour ne pas les colorer trop vite.
On en cherchait le sens visible et caché.
On les visitait avec prudence, mais sans concession pour bien cerner cet inconnu, qu’après cet échange, on rêvait de vous offrir.
Venait le moment d’exister.
Tout se passait en douceur.
La première fois que j’ai tourné avec vous, habitué à ce que tout au cinéma se passe dans l’urgence et sans précautions, je vous ai vu descendre les deux étages de la maison où était installée la caméra pour venir me faire une suggestion à l’oreille comme un secret à partager.
Vous parliez au cœur : on ne pouvait que vous l’offrir.
Lors de notre dernier tournage, après avoir joué la scène, on venait vous rejoindre pour mettre encore une couleur ici ou là, pour s’entendre réfléchir dans un silence commun, à l’affut d’une idée qui aurait pu nous échapper.
Toujours cette douceur, cette attention.
Cette bienveillance dans une confiance partagée.
Un obstacle n’était jamais un frein mais la promesse d’une invention nouvelle.
Chaque jour, c’était un spectacle de voir comment vous alliez organiser l’espace pour mettre en scène la vie.
Vous parliez au cœur : on ne pouvait que vous l’offrir.
Lors de notre dernier tournage, après avoir joué la scène, on venait vous rejoindre pour mettre encore une couleur ici ou là, pour s’entendre réfléchir dans un silence commun, à l’affut d’une idée qui aurait pu nous échapper.
Toujours cette douceur, cette attention.
Cette bienveillance dans une confiance partagée.
Un obstacle n’était jamais un frein mais la promesse d’une invention nouvelle.
Chaque jour, c’était un spectacle de voir comment vous alliez organiser l’espace pour mettre en scène la vie.
Vous avez toujours aimé vivre au sein d’une troupe. Tout jeune, quand vous partagiez votre plaisir de montrer des films à vos copains, plus tard en arrivant au cours René Simon où vous filmiez les scènes de vos camarades, avec les écrivains ensuite qui n’avaient jamais écrit pour le cinéma et qui devinrent les auteurs de vos films.
Vous vous êtes lancé dans vos projets sans penser à ce qu’allait dire la critique ou le public.
Votre curiosité dévorante vous a poussé à tout voir, à tout lire, à tout écouter avec une avidité d’autodidacte.
Vous avez été spectateur au théâtre, au cinéma.
Vous avez fréquenté les planches, les livres, les bandes dessinées, la musique, la peinture.
Vous avez donné au cinéma tout ce que vous avez appris ailleurs.
Vous vous êtes lancé dans vos projets sans penser à ce qu’allait dire la critique ou le public.
Votre curiosité dévorante vous a poussé à tout voir, à tout lire, à tout écouter avec une avidité d’autodidacte.
Vous avez été spectateur au théâtre, au cinéma.
Vous avez fréquenté les planches, les livres, les bandes dessinées, la musique, la peinture.
Vous avez donné au cinéma tout ce que vous avez appris ailleurs.
Nous proposant de découvrir le théâtre dans Mélo, la sculpture dans Les statues meurent aussi, d’apprendre la science dans Mon oncle d’Amérique, de plonger dans la philosophie avec L’amour à mort, de rire avec Smoking / No smoking, de trembler devant l’histoire avec Nuit et brouillard, d’écouter la musique dans Gerschwin, les paroles dans On connaît la chansonen laissant toujours libre cours à votre inspiration et à vos Herbes folles.
« - Mais pourquoi tu ne fais pas des films comme les autres ? vous a demandé un jour votre mère.
- Parce que les autres les font. »
- Parce que les autres les font. »
Vous vous amusiez que l’on puisse redouter qu’un jour tous les films se ressemblent quand le monde du cinéma est assez grand pour tous les contenir.
Vous disiez :
« Si le film commence à ronronner,
J’ai envie d’un coup de cymbale,
Je veux qu’au moment où le spectateur croit que le film va tout droit, ça parte sans crier gare sur une bretelle que personne n’a devinée. »
« Si le film commence à ronronner,
J’ai envie d’un coup de cymbale,
Je veux qu’au moment où le spectateur croit que le film va tout droit, ça parte sans crier gare sur une bretelle que personne n’a devinée. »
Rien n’a jamais pu vous empêcher d’avancer.
« Mon mot d’ordre ? Faire tout ce qui me passe par la tête.
Je refuse que l’imaginaire soit considéré comme autre chose qu’une autre sorte de réalité puisque ce qui se passe dans notre tête est la vie. »
Si une image incongrue s’imposait et revenait sans cesse, elle avait sa place dans le film et devait exister.
Fallait-il que votre corps le fasse souffrir pour que votre esprit finisse par lui céder.
Vous étiez prêt à poursuivre l’aventure et tourner encore et toujours pour, disiez-vous, « voir comment ça va tourner ».
« Mon mot d’ordre ? Faire tout ce qui me passe par la tête.
Je refuse que l’imaginaire soit considéré comme autre chose qu’une autre sorte de réalité puisque ce qui se passe dans notre tête est la vie. »
Si une image incongrue s’imposait et revenait sans cesse, elle avait sa place dans le film et devait exister.
Fallait-il que votre corps le fasse souffrir pour que votre esprit finisse par lui céder.
Vous étiez prêt à poursuivre l’aventure et tourner encore et toujours pour, disiez-vous, « voir comment ça va tourner ».
Quand on vous a décerné, il y a juste un mois, le prix Alfred Bauer, récompensant un film ouvrant des voies nouvelles au cinéma, vous redoutiez que ce détour à Berlin puisse retarder la préparation de votre prochain film.
Vous aviez encore envie de cheminer vers des thèmes et des sujets nouveaux, des plans, des scènes, des films auxquels vous aviez encore et toujours envie de donner vie.
Vous aviez encore envie de cheminer vers des thèmes et des sujets nouveaux, des plans, des scènes, des films auxquels vous aviez encore et toujours envie de donner vie.
A la fin des tournages, en lieu et place des Ours, des Lions, des César ou des Oscars, vous aviez inventé les Lézards dont vous nous récompensiez en l’accompagnant du plus beau des hommages.
A la fin de chaque prise, vous ne disiez jamais « Coupez ». Vous laissiez la vie continuer et nous surprendre dans le silence.
Au bout d’un long moment votre voix claire et ferme disait : collure !
Soucieux, comme l’ancien monteur que vous étiez, de la scène suivante à laquelle, celle que nous venions de vivre, allait être reliée.
A la fin de chaque prise, vous ne disiez jamais « Coupez ». Vous laissiez la vie continuer et nous surprendre dans le silence.
Au bout d’un long moment votre voix claire et ferme disait : collure !
Soucieux, comme l’ancien monteur que vous étiez, de la scène suivante à laquelle, celle que nous venions de vivre, allait être reliée.
Le film continue aujourd’hui sans que nous puissions à jamais nous sentir coupés de vous.
Par la grâce des moments que nous avons vécus, par la grâce des films que vous nous avez offerts, par la grâce de cette collure qui nous liera toujours à vous.
Cher Alain !
L'originale è qui:
http://www.cinematheque.fr/fr/hommages/cher-alain-par-andre-dus.html